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Grève historique des services publics au Québec

Dans le froid glacial de ce petit matin du 13 décembre, Gaëlle (elle n’a pas souhaité donner son nom de famille) tape dans ses mains pour tenter de se réchauffer. Professeure dans une école spécialisée pour enfants en difficulté dans le quartier cossu d’Outremont à Montréal, la jeune trentenaire, accompagnée de quelques collègues, tient son piquet de grève depuis plus de trois semaines. Depuis que le 23 novembre, son syndicat, la Fédération autonome de l’enseignement, qui revendique 66 000 membres, a lancé un mot d’ordre de grève « illimitée ». « Le prix à payer est lourd, nous ne disposons d’aucune caisse de grève et je suis donc sans revenu depuis cette date, souligne la jeune femme, mais le combat pour une revalorisation salariale et pour l’amélioration de nos conditions de travail est essentiel. Si nous ne gagnons pas, je ne suis pas sûre de poursuivre ma carrière dans l’enseignement ».
Depuis fin novembre, l’ensemble de la fonction publique – écoles, hôpitaux, services sociaux – est à l’arrêt au Québec. Du jamais-vu depuis cinquante ans. Au total, près de 600 000 fonctionnaires ont cessé le travail ; les uns sont engagés dans une grève en continu, les autres, notamment réunis sous l’égide d’un « Front commun » constitué de plusieurs syndicats du secteur public, multiplient les débrayages.
Dans le cadre de la renégociation des conventions collectives propres à chaque branche, la question salariale est au cœur des revendications. Le Front commun réclame une augmentation de 23 % des rémunérations des employés sur cinq ans, quand la dernière proposition du gouvernement du premier ministre québécois, François Legault (nationaliste centre droit), en date du 7 décembre, s’en tenait à 12,7 % avec une prime de 1 000 dollars (680 euros) cette année par fonctionnaire et une offre bonifiée pour les travailleurs affectés à des horaires difficiles, soit une enveloppe globale de 9 milliards de dollars. « Insuffisant », ont répondu les syndicats. Jugeant l’offre inférieure aux prévisions d’inflation, qui sont de 18,1 % d’ici 2028 selon eux, ils ont estimé qu’elle « continuerait à appauvrir les travailleurs du service public » et l’ont unanimement rejetée.
« Depuis l’an dernier, je ne peux plus équilibrer mon budget, témoigne Flora, une aide scolaire employée dans une école élémentaire du Plateau, un des quartiers du centre-ville de la métropole québécoise. Mes 28 000 dollars annuels (soit 1 600 euros par mois) ne me permettent plus de faire face à l’augmentation de mon loyer, en hausse de 15 % cette année, et à celle des produits alimentaires [+ 23 % depuis 2020]. Pour survivre avec mes deux enfants, je vis à crédit. » La quadragénaire garde en travers de la gorge la revalorisation salariale de 30 % que les députés québécois se sont accordée au printemps, ainsi que les 7,3 milliards de dollars que le gouvernement provincial, appuyé par Ottawa, a déboursés pour convaincre l’entreprise suédoise Northvolt de venir construire une usine de batteries électriques au Québec. « Il y en a de l’argent au Québec, mais pas pour les services publics », se désole-t-elle.
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